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Construction : du bois dont on fait les tours

Projet de la tour Wood’up, vu du boulevard du Général-Jean-Simon, à Paris 13e. / © LAN, 2017

 

Serait-ce l’arrivée du printemps dans la construction ? Délaissant (un peu) le béton et l’acier, les professionnels du BTP se tournent de plus en plus vers un matériau plus « vert », le bois, pour des édifices spectaculaires qui s’élèvent bien au-delà de la cime des arbres.

Des gratte-ciel résidentiels en bois
Les projets de tours en bois poussent ainsi un peu partout en France : à ­Paris, Angers, ­Strasbourg, ­Nice et ­Bordeaux où doivent être bâtis deux des plus hauts gratte-ciel résidentiels de France, culminant à 50 et 57 mètres !

En septembre dernier, c’est d’ailleurs la capitale girondine qui a accueilli Woodrise, le premier congrès international consacré aux immeubles en bois de grande hauteur, organisé par l’institut FCBA (Forêt, cellulose, bois-construction, ameublement), centre technique de référence pour les industries du bois. Une rencontre qui a attiré 150 exposants de 23 pays, ainsi que tous les grands groupes français : ­Bouygues, Eiffage, Vinci…

Évidemment, la construction en bois n’est pas franchement nouvelle. Elle a d’ailleurs été durement frappée par la crise du BTP. En 2016, son chiffre d’affaires a chuté de 11 % par rapport à 2014, selon l’enquête nationale publiée en juin 2017 par l’observatoire économique France bois forêt. La part du secteur atteint 8 % de la construction en France, mais elle n’est que de 3 % dans le logement collectif et concerne pour l’essentiel des bâtiments de trois étages au maximum.

Le bois, un matériau écologiquement performant ?
Tablant sur l’augmentation de chantiers d’immeubles de grande hauteur, la profession vise à terme les 10 % de parts de marché. « C’est l’effet tour Eiffel qui est recherché. Qui peut le plus peut le moins ! », explique Patrick Molinié, responsable du développement de la construction au FCBA.

Selon lui, c’est l’argument écologique qui a convaincu les bâtisseurs. « Le Grenelle de l’environnement en 2009, et, avec lui, le besoin de bâtiments basse consommation ont changé la donne. Puis, avec les accords de Paris, en 2016, des territoires se sont engagés dans le bas carbone et la réduction des gaz à effet de serre. Or, le bois est très performant de ce point de vue, puisque c’est un bon isolant et un matériau qui stocke le carbone. »

Au Japon, des maisons en bois pour mieux dormir
Mais ce ne sont pas les seules raisons. Les constructeurs cherchent des matériaux autres que le ciment et le béton, dont la fabrication, responsable de plus de 5 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, épuise les réserves de sable, ressource la plus utilisée dans le monde, après le sel et l’eau.

Le soutien de l’État a également joué. « Le plan gouvernemental industrie du futur, lancé par ­Arnaud Montebourg en 2013, a identifié le bois comme un matériau d’avenir », pointe ­Marcel ­Chouraqui, directeur général de l’association Adivbois, qui promeut la construction « d’immeubles à vivre bois », « des logements urbains dont la structure et l’aménagement intérieur en bois améliorent le cadre de vie ».

Des études psychosensorielles ont ainsi été menées au Japon, où 75 % des maisons individuelles sont en bois. « Les chercheurs de l’université Keio, à Tokyo, ont estimé que l’on gagnait vingt minutes de sommeil profond dans ces logements », précise Patrick ­Molinié.

Des chantiers « secs », rapides et propres
De leur côté, « les aménageurs apprécient les chantiers”secs”, rapides et propres, sans nuisances sonores et environnementales pour le voisinage », observe Jean-Paul Viguier, architecte de la tour ­Hypérion à Bordeaux (98 appartements sur 17 étages, soit 57 mètres de hauteur).

Car, à la différence de la plupart des immeubles en béton, les éléments de structures en bois sont préfabriqués en usine, comme le lamellé-collé et le CLT (lire ci-dessous). Développés dans les années 1990 en Autriche, les épais panneaux de CLT qui forment les murs et les planchers sont suffisamment solides pour remplacer les voiles de béton. « On ne se cantonne plus à la seule ossature bois classique, limitée à quelques étages, depuis le développement du CLT qui permet de gagner de la hauteur », observe Jean-Paul Viguier.

Des socles en béton contre l’eau
Cela étant, rares sont les édifices 100 % bois. L’eau se trouvant à un mètre de profondeur, la tour Hypérion repose sur un socle de béton, matériau dont est également constitué le noyau de distribution central (ascenseurs et escalier) pour des raisons sismiques.

« Le bois a une bonne résistance aux tremblements de terre, mais son assemblage n’aime pas être secoué, décrypte Jean-Paul Viguier. Il aurait fallu lui associer des éléments de contreventement – comme des croix de Saint-André – destinés à lutter contre les déformations hori­zontales, qui auraient déparé. Le noyau en béton permet d’éviter cela. »

 

La plupart des architectes cherchent avant tout à utiliser le bon matériau au bon endroit. Le béton assure une bonne inertie et une meilleure acoustique que le bois, mais ce dernier est plus léger. Sur certains espaces aux fondations fragiles, comme au-dessus d’une voie rapide, les immeubles en bois peuvent être plus hauts.

Des formes plus contraintes
Les formes architecturales sont toutefois moins sculpturales. « Avec l’acier et le béton, on s’est affranchi de la structure. Avec le bois, c’est plus contraignant, mais c’est très sain, car cela donne des logements plus rationnels », estime Umberto ­Napolitano, architecte de l’agence LAN qui travaille sur la tour Wood’up (105 logements sur 17 étages, soit 50 m de hauteur), un très beau projet en bord de Seine, dans le 13e arron­dissement de Paris. « Afin de montrer la trame structurelle, nous avons d’ailleurs choisi d’encapsuler le bois de façade dans du verre. »

Les acteurs de la construction redécouvrent le bois, mais sont encore freinés par le surcoût de 5 à 8 % qu’il entraîne par rapport au béton. Toutefois, selon Paul Jarquin, PDG de REI habitat, un promoteur engagé dans ce matériau, « les immeubles à ossature bois simple, sans CLT, sont compétitifs. Nous sommes optimistes car le coût de la matière première a très peu augmenté, et celle-ci est abondante et renouvelable ».

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► Quatre procédés constructifs
L’ossature en bois. Il s’agit d’une trame de montants de bois de la hauteur d’un étage – espacés de 40 à 60 cm, reliés entre eux par des éléments horizontaux de même section – habillée de panneaux dérivés du bois. De très loin la plus répandue, cette structure légère ne va toutefois pas au-delà de 4 à 5 niveaux.

Le poteau-poutre. Le squelette d’une construction est constitué de poteaux de forte section espacés de 2,5 à 5 mètres, reliés par des poutres.

L’exosquelette ou colombage. Il consiste en un système modernisé des bâtiments à pans de bois.

Le CLT : cross-laminated timber, ou bois lamellé croisé. Il se compose de panneaux structurels constitués de multiples couches de planches de bois d’œuvre, empilées perpendiculairement (à 90°) et ­collées entre elles.

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